mardi 10 juillet 2012

Les âmes grises (2004)




On pourrait disserter à l'infini, ou presque, sur le bien-fondé et la réussite des adaptations de roman au cinéma. Se nourrissant parfois sans vergogne des oeuvres littéraires, le septième art ne rend pas toujours justice aux livres dont il s'inspire. Combien de « Frankenstein » massacrés, de « Gentlemen extraordinaires » bâclés, pour un « L.A. Confidential » réussi ? Le romancier Philippe Claudel, auteur des remarquables « La petite fille de M. Linh » et du « Rapport de Brodeck », a vu, en 2004, son roman le plus connu, « Les âmes grises », transposé au cinéma par Yves Angelo (réalisateur du « Colonel Chabert », entre autres). Quand on connaît l'intensité des romans de Claudel, la force avec laquelle il fouaille l'âme humaine, ses bassesses et ses tourments, on pouvait douter de la pertinence d'une adaptation au cinéma de ce roman. Cependant, la dite adaptation étant l'œuvre conjointe du romancier et du réalisateur, on pouvait espérer un grand film, grave et humain, d'autant plus que le casting était à la hauteur. Pensez donc : Jacques Villeret (dans un de ses derniers rôles), Jean-Pierre Marielle, Marina Hands, Michel Wuillermoz, Denis Podalydès, et quantité de seconds rôles épatants...


Difficile de résumer en peu de mots le scénario du film (relativement fidèle au roman, soulignons-le). L'histoire des « Ames grises » se déroule sur fond de Première Guerre Mondiale. Suite à la découverte du corps sans vie d'une fillette, alors que l'enquête officielle est vite bouclée, un gendarme local en vient vite à soupçonner certains des notables du village.
Malheureusement, force est d'avouer que la subtile alchimie nécessaire à la réussite d'un film (et, bien souvent, à son succès) ne fonctionne pas. Où est passée l'intensité, la force poignante du roman ? Etait-il donc impossible transposer au grand écran l'épaisseur, l'humanité des « Ames grises » de Claudel ?



A mon humble avis (mais je reste ouvert tout débat), la faute en incombe en partie à la réalisation (dont certains choix, notamment l'utilisation ponctuelle de la caméra à l'épaule, m'ont semblé mal adaptés), mais surtout au fait que ce roman était difficile, voire impossible à adapter. En effet, dans le livre originel, la majeure partie de l'action (si l'on peut se risquer à employer ce terme) se déroule dans l'esprit et l'âme des personnages. Leurs tourments, leurs chagrins, leurs colères, pour intenses qu'elles soient, sont décrites de façon subtile et éloquente sur le papier, mais tenter de les retranscrire au grand écran est chose impossible ou presque. Et Yves Angelo s'est cassé les dents sur cette adaptation (comme bien d'autres l'auraient fait d'ailleurs, n'allez pas croire que je l'accable). Malgré de superbes décors et une distribution fabuleuse, il ne parvient qu'à livrer un film auquel il manque l'essentiel du roman : l'âme (un comble !).


Beau, mais sans ce quelque chose qui vous empoignait le coeur à la lecture du roman (déjà couvert de récompenses), ce film offre cependant un spectacle appréciable à ceux qui ont aimé le livre, tant il lui est fidèle, esthétiquement parlant. Je ne le conseille donc qu'à ceux qui ont déjà lu le roman (que je conseille à tous, d'ailleurs, comme tous les livres de Philippe Claudel), s'ils souhaitent voir ces âmes prendre (un tout petit peu) vie.



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