jeudi 29 août 2013

Cloud Atlas (2012)



Auréolés de gloire à la sortie de "Matrix", les frères Wachowski n'ont eu de cesse de dérouter. Réalisant, avec des moyens conséquents, deux suites très discutées au film qui les propulsa sur le devant de la scène, ils se firent ensuite producteurs (en chapeautant, notamment, l'adaptation de "V pour Vendetta"), avant de connaître un gros échec commercial avec "Speed Racer", en 2008. L'an dernier, ils offrirent aux spectateurs l'un des films les plus ambitieux de la décennie (coréalisé avec Tom Tykwer, déjà connu pour avoir transposé "Le parfum, histoire d'un meurtrier" à l'écran) : "Cloud Atlas", avec sa cohorte de stars, ses effets spéciaux bluffants, ses décors grandioses et son scénario multi-époques fut, lui aussi, un bide phénoménal. 

Six récits, ayant lieu du XIXème au XXXIIème siècle, sont l'objet de "Cloud Atlas". S'y croisent les destinées d'un jeune juriste découvrant l'horreur de l'esclavagisme, d'un compositeur homosexuel et de son mentor tyrannique, d'une journaliste découvrant une machination ourdie par les industriels de l'énergie, d'un éditeur littéraire dépassé par les événements, d'une esclave coréenne au service des consommateurs tous puissants et du taciturne Zachry, membre d'une tribu primitive en proie à ses démons. Il est difficile de se lancer dans un résumé plus complet du film sans en dévoiler trop : sachez cependant que les différentes époques possèdent un lien entre elles et que, si les séquences naviguent allègrement d'une période à l'autre, leur ordre chronologique est révélateur de l'esprit du film et du regard que portent les auteurs sur l'humanité.

Lana (le nouveau prénom de Larry, après son changement de sexe) et Andy Wachowski avaient témoigné d'un grand pessimisme quant au devenir de l'humanité dans "Matrix". L'adaptation du roman "Cloud Atlas" (de David Mitchell) confirme leur vision très sombre, au travers des thèmes que brasse leur dernier film : quelque soit le siècle où ait lieu l'intrigue, les hommes foncent tout droit vers leur propre destruction. Seule survit, à travers le temps, une étincelle d'espoir, portée par l'amour qui peut unir deux êtres. Et, quand cet amour est au service d'une révolte, il peut changer le cours de l'histoire. 

Le gros point faible de "Cloud Atlas" est son scénario, à la fois trop complexe et trop simple. En effet,
chacune des histoires qui composent ce gigantesque puzzle est, prise à part, relativement basique, voire simpliste. Qu'il s'agisse de la lutte pour la survie d'une tribu ou du combat d'un vieil homme placé en maison de retraite, ces films dans le film peuvent paraître excessivement simples. C'est leur assemblage, par contre, qui les rend peu lisibles. Faute de mettre plus en avant les liens entre les différentes époques (assurés par la présence des mêmes acteurs et des indices éparpillés ici et là), les metteurs en scène perdent leurs spectateurs en cours de route à plusieurs reprises. L'absence d'un réel ciment rend l'ensemble de l'édifice chancelant et souvent sur le point de s'écrouler. Pour peu que le public ne soit pas décidé à faire l'effort de relier lui-même les différentes pièces du patchwork que forme "Cloud Atlas", le film lui paraîtra confus, voire incompréhensible.

Du côté des atouts de ce film, il faut souligner le fabuleux travail réalisé par les décorateurs, maquilleurs et costumiers. Trimbalé d'une époque à une autre, on est conquis à chaque fois par la crédibilité du voyage. Cela est accentué par la prestation remarquable de l'ensemble du casting : les interprètes sont tous excellents et donnent dans "Cloud Atlas" le meilleur d'eux-mêmes. Parfois méconnaissables sous le maquillage qui les affuble, les acteurs endossent leurs rôles de héros ou de salauds avec un talent qu'on leur ignorait parfois. Enfin, la bande originale, qui fait partie intégrante de l'intrigue, est elle aussi sublime.

Film ambitieux, esthétiquement parfait, "Cloud Atlas" se dégonfle, tel un soufflé sorti trop tôt du four, faute de lisibilité. Voyage à travers les âges dont on sort avec des images inoubliables dans la tête, il est au final à la fois trop confus et trop simpliste pour avoir réellement l'impact souhaité. Lana et Andy Wachowski ont un talent indéniable et une véritable vision des univers qu'ils mettent en scène. Espérons qu'un jour, ils retrouveront la grâce qui fut la leur (notamment sur leur très bon premier film, "Bound"). Leur prochain opus, "Jupiter Ascending", semble cependant confirmer leur goût pour la démesure... 



dimanche 25 août 2013

Phantom (2012)


Cela faisait longtemps que je n'avais évoqué, en ces colonnes, le funeste destin d'un film sorti en "direct-to-dvd". Dans la niche très étroite des "films de sous-marins", qui donna naguère d'intéressantes oeuvres (on pourra citer "A la poursuite d'Octobre Rouge", "USS Alabama" ou "K-19, le piège des profondeurs"), le récent "Phantom" n'a pas eu le droit à une sortie sur les écrans de l'hexagone, malgré un joli casting. C'est sans doute le cuisant échec qu'il subit dans les salles obscures d'outre-Atlantique qui fit réfléchir ses distributeurs et les décida à le destiner au seul marché de la vidéo.

Pour sa dernière mission, alors que la Guerre Froide est à son paroxysme (nous sommes dans les années 1960), le commandant Demi doit accepter à bord de son sous-marin la présence de deux agents envoyés par le gouvernement russe en place
Laissant derrière lui sa famille, hanté par son passé, cet officier doté d'un sens de l'honneur venu d'un autre âge va mettre, sans le savoir, la paix mondiale en péril.

Une fois de plus, le générique annonce que ce film est tiré de faits réels, cherchant sans doute à faire frissonner le spectateur, fût-ce rétrospectivement. On peut donc s'attendre à plonger dans un long-métrage jouant à fond la carte du réalisme et de l'authenticité. Et, de ce point de vue, "Phantom" est plutôt réussi puisqu'il suit ses protagonistes au plus près, sans cependant s'attarder sur la vie quotidienne des sous-mariniers (comme le fit Wolfgang Petersen il y a longtemps avec le très beau "Le bateau"). Mais de beaux décors ne font pas un bon film : ça se saurait, d'ailleurs. Todd Robinson, scénariste et réalisateur de "Phantom" n'a hélas pas les épaules nécessaires à l'ambition qui l'habite visiblement. 

Du côté de l’interprétation, le bilan est quelque peu mitigé. Ed Harris, comme toujours, est remarquable, dans le rôle quasi-marmoréen du commandant de bord aux prises avec son passé. Le rôle du commandant du "Phantom" semble être taillé sur mesure pour cet acteur.
Face à lui, c'est plus William Fichtner (un des seconds couteaux les plus remarquables d'Hollywood) qu'on remarque, tandis que David Duchovny, échappé de "X-Files" et "Californication", semble souvent se demander si tout ça vaut bien la peine et s'il ne ferait pas mieux de retourner au petit écran, décidément plus fait pour lui. Enfin, notons la présence au générique de Lance Henriksen (le Bishop du classique "Alien").

Comme s'ils s'étaient alliés pour couler le bâtiment, scénariste et monteur  redoublent d'efforts pour saborder le navire qui aurait pourtant pu nous offrir un beau voyage. Faute de lisibilité, l'intrigue perd son spectateur en cours de route. N'y accrocheront donc que les fanatiques du genre, qui y trouveront un voyage intéressant. Les autres, par contre, peuvent se passer du visionnage du film.



mercredi 21 août 2013

Kate & Leopold (2001)


Bien avant de collaborer (avec succès) pour "Wolverine : le combat de l'immortel", Hugh Jackman et James Mangold se sont déjà rencontrés sur le tournage de "Kate & Leopold", comédie romantique mâtinée de fantastique. A l'époque, cependant, le film n'avait guère connu de succès et n'a pas marqué les mémoires. Pourtant, en tête d'affiche, se trouvait LA grande spécialiste de ce thème : Meg Ryan, l'inoubliable interprète de "Quand Harry rencontre Sally", pour ne citer que cet énorme classique. Sortant à l'époque de la belle réussite de "Copland", James Mangold ne confirma pas alors les espoirs mis en lui. Il fallut ensuite "Identity" puis, surtout, "Walk the line" pour qu'il revienne (à juste titre) dans la cour des grands.

Jeune noble américain du XIXème siècle, Leopold est fasciné par les progrès de la science et de la technologie. Lors d'un bal auquel il s'ennuie ferme, il croise un étrange visiteur, Stuart, qui s'enfuit devant lui. Le prenant en chasse, Leopold va se retrouver entraîné jusqu'à une faille dans le temps et atterrir au début du XXIème siècle... en plus d'une époque riche en surprises pour lui, Leopold va rencontrer Kate, l'ex de Stuart et également sa voisine (quelle idée !)...

A lire le pitch, on sent qu'il est rapidement possible que le film donne quelque chose de bancal, tant l'exercice peut être périlleux. Et, effectivement, il suffit de quelques minutes de visionnage pour se rendre compte que "Kate & Leopold" ne fonctionne pas. Sur une idée de base qui, en d'autres temps, aurait pu donner un film du cachet de "La vie est belle" (celui de Capra) ou "L'aventure de Madame Muir" (un petit bijou que je vous recommande), James Mangold, visiblement dépassé par la tâche, ne livre ici qu'un long métrage inabouti. La faute en incombe essentiellement au scénario (pourtant la colonne vertébrale de ce genre de film), visiblement rafistolé à coups de personnages secondaires ajoutés en dernière minute et de scènes pseudo-comiques ne fonctionnant pas. Lorsque Leopold s'éveille dans un siècle qui n'est pas le sien, on n'échappe pas aux traditionnels gags jouant sur sa découverte des objets qu'il ne connaît pas (le téléphone, la télévision, etc.) : pour la nouveauté, vous pouvez donc repasser !

Du côté de la réalisation, James Mangold accomplit son devoir avec talent, sans cependant atteindre la qualité des films qui feront plus tard sa gloire. Du côté du casting, c'est évidemment Hugh Jackman qui tire le mieux son épingle du jeu, malgré des scènes parfois outrancières (notamment celle où le personnage réussit à chevaucher au grand galop dans Central Park, alors que sa monture était, quelques secondes auparavant, harnachée à une calèche pour touristes). Face à lui, Meg Ryan assure elle aussi le minimum syndical, comme si elle n'était que peu convaincue de la pertinence de l'entreprise. Notons la présence, dans un rôle secondaire mais néanmoins déterminant, de Liev Schreiber, qui croisera de nouveau Hugh Jackman dans les spin-offs consacrés à Wolverine.

Alors, certes, les interprètes sont très beaux, ils vivent dans de somptueux appartements (ah, le New York des comédies romantiques !), mais leur histoire ne tient pas la route : c'est dommage car on avait envie d'y croire. Torpillé par un scénario bourré de trous, "Kate & Leopold" tombe vite dans la catégorie des films oubliables de leurs interprètes et cinéaste.





samedi 17 août 2013

La clinique de l'amour ! (2012)




Le regretté Artus de Penguern, disparu prématurément il y a quelques mois, a laissé dans les mémoires le souvenir d'un acteur discret, souvent abonné aux seconds rôles. Il était de ceux dont le visage était connu des spectateurs sans que ceux-ci n'y associent forcément son nom. Bien peu nombreux sont ceux qui connaissent également les films qu'il réalisa : ses deux longs métrages ne rencontrèrent pas, loin de là, le succès qu'ils auraient mérité. J'ai déjà évoqué en ces colonnes le sort funeste de "Grégoire Moulin contre l'humanité", jolie comédie gentiment barrée, voici aujourd'hui le tour du second opus d'Artus de Penguern : "La clinique de l'amour !".


Alors que leur père, le fondateur de la clinique Marchal est à l'agonie, ses deux fils se voient obligés de prendre les rênes de l'établissement. Si John est un chirurgien consciencieux, son frère Michael, séducteur invétéré, ne rêve que de vendre la clinique au plus offrant. Manipulé par la troublante Samantha Bitch, Michael va donc tenter de ruiner les efforts que fait John pour que l'établissement échappe à la faillite. 

A en croire la promotion faite lors de la sortie du film, "La clinique de l'amour !" est aux feuilletons hospitaliers ce que "Y a-t-il un pilote dans l'avion ?" est aux films consacrés aux catastrophes aériennes. Il ne faut tout de même pas exagérer. Nous ne sommes pas ici dans le cadre d'une parodie jouant la carte du pastiche à fond la caisse, mais d'une gentille caricature, parce qu'au fond, Artus de Penguern aimait ses personnages, au moins autant qu'il aimait ses acteurs. Certes il y a quelques "méchants"  dans cette intrigue, mais ceux-là n'ont rien de bien inquiétant. 

La bande-annonce est, elle aussi, assez trompeuse, puisqu'elle met l'accent sur les gags les plus visuels du film et ne saurait rendre compte de son esprit bon enfant et burlesque. Porté par des comédiens visiblement heureux d'être là, "La clinique de l'amour !" est le décor de gags souvent inattendus, mis en scène avec talent par Artus de Penguern. Ce dernier, visiblement très attaché à ses personnages et à leurs interprètes, réussit à mettre chacun en valeur. On appréciera les prestations des trop rares Bruno Salomone, Héléna Noguerra, Michel Aumont, Ged Marlon, Dominique Lavanant, Natacha Lidinger (et j'en oublie), dont le plaisir d'être là est communicatif.

Alors, certes, "La clinique de l'amour !" est une petite comédie qui n'a d'autre prétention que de détendre les zygomatiques de ses spectateurs. Mais ce film réussit parfaitement sa mission : faire passer un bon moment à ceux qui le visionnent. 

Comédie gentille, jamais vulgaire ni méchante, "La clinique de l'humanité" s'avère une bulle d'oxygène nécessaire à tous ceux que les comédies actuelles, qu'elles soient cyniques ou lourdingues, ne satisfont plus. Cette bouffée d'air frais et léger peut s’avérer salutaire pour bien des spectateurs. Dommage qu'ils ne se soient pas déplacés lors de la sortie de ce film.