samedi 30 août 2014

Maintenant c'est ma vie (2013)


Couvert de récompenses, le roman "Maintenant c'est ma vie" ("How I live now" dans sa version originale) a valu à son auteure, Meg Rosoff d'accéder rapidement à la célébrité dans sa Grande-Bretagne d'adoption, en matière de littérature jeunesse. Par une mécanique maintenant bien éprouvée, il était tout naturel que son livre fasse l'objet d'une adaptation au cinéma, le film en résultant ciblant le même public que le matériau d'origine : les adolescents. Hélas, on ne gagne pas à tous les coups et "Maintenant c'est ma vie" ne reçut pas le même accueil au grand écran que d'autres œuvres adaptées. Il avait pourtant, à en croire son pitch, plus de choses à dire que certaines franchises de ma connaissance qui battent des records de box-office dans leur catégorie.

Adolescente new-yorkaise superficielle, Elisabeth (même si elle refuse qu'on l'appelle ainsi et préfère être nommée Daisy) passe ses vacances d'été dans la campagne anglaise, avec des cousins qu'elle n'a jamais fréquentée. Pendant ce temps, le monde extérieur sombre dans la Troisième Guerre Mondiale. Tandis que Daisy découvre la vraie vie et l'amour en la personne d'Eddie (son cousin, tout de même !), Londres est l'objet d'une attaque nucléaire. Bientôt, cet été va virer au cauchemar, et Daisy va devenir une autre personne.

Une adolescente rebelle et mal dans sa peau, le retour à la terre, un conflit larvé qui soudain explose : les ingrédients inattendus pouvaient donner un cocktail détonant, à la portée politique forte. Je ne doute pas un instant que le livre a mérité ses récompenses et qu'il a su emporter ses lecteurs, tout en leur donnant matière à réfléchir. Ces derniers devaient d'ailleurs attendre de pied ferme l'adaptation au grand écran du roman qui les fit vibrer et réfléchir. Aux commandes de cette adaptation, Kevin McDonald, unanimement salué pour "Le dernier roi d'Ecosse" (mais on lui doit également l'intéressant "L'aigle de la neuvième légion") était donc méchamment attendu au virage.

Malheureusement, ce qui pouvait être une fable noire porteuse d'un véritable message vire vite au film d'aventure pour adolescents. S'envole alors toute prétention politique, toute attaque frontale envers le système. On avait espéré avoir affaire à une oeuvre vilipendant les obsessions sécuritaires de notre époque, on a seulement droit à une bluette sur fond de monde en ruines. Louchant vers ce qui a déjà été fait en la matière (je songe notamment à "28 jours plus tard" ou aux "Fils de l'homme"), Kevin McDonald enrobe hélas son propos d'une épaisse couche de guimauve qui rend le tout indigeste. La pseudo-rédemption de Daisy, déclenchée par - excusez du peu - un conflit de grande ampleur, paraît totalement artificielle.
Circonstance aggravante : la version française est déplorable. Il est à croire que le doublage des jeunes interprètes se doit d'être agaçant. 

Alors, malgré la présence de la jolie Saoirse Ronan (la seule à tirer son épingle du jeu dans le jeune casting), on perd vite tout intérêt à visionner ce film. Kevin McDonald, cinéaste hétéroclite, est visiblement capable du meilleur comme du pire. A n'en pas douter, "Maintenant c'est ma vie" fait partie de la deuxième catégorie : c'est bien dommage.


lundi 25 août 2014

Taram et le chaudron magique (1985)


On a du mal à imaginer qu'un dessin animé estampillé Disney ait pu connaître l'échec commercial, voire l'oubli. Il en est pourtant un qui a sombré dans les abysses du box-office et de la mémoire du septième art : "Taram et le chaudron magique", le trente-deuxième long métrage de la maison aux grandes oreilles, est inconnu de bon nombre de spectateurs. L'échec commercial qu'il connut lors de sa sortie lui a valu d'être désavoué par ses producteurs. Alors que le médiéval-fantastique (époque qu'il explorait dans son scénario) a enfin acquis ses lettres de noblesse, ce dessin animé peut-il obtenir sa rédemption ?

Simple valet de ferme, le jeune Taram n'aspire qu'à devenir un héros. Alors que son plus fidèle compagnon, un cochon nommé tire-lire, disparaît, Taram, pour le retrouver, va vivre une grande aventure et affronter le tout-puissant Seigneur des Ténèbres, en quête du chaudron magique, dangereux réceptacle d'un infini pouvoir. Il rencontrera des fées, des sorcières, des elfes, une princesse, un facétieux troubadour et mille autres merveilles. Mais, surtout, il vivra sa plus grande aventure, celle dont il a rêvé depuis toujours...

C'est un Disney pas comme les autres que ce "Taram et le chaudron magique". Il contient une part de noirceur rarement atteinte, même dans les scènes où apparaissaient traditionnellement vilaines sorcières et affreux dragons. Cette part d'ombre fut telle qu'il eut droit à des coupes après passage devant la commission de censure (ce n'était pas arrivé depuis "Blanche Neige et les sept Nains"). A le revoir aujourd'hui, on ne peut être que frappé par le ton sombre qu'adopte ce dessin animé, même si, souvent, la noirceur est contrebalancée par des touches d'humour apportées par des personnages comiques.
Et puis, point de chanson ici, malgré la présence de Ritournel, le trouvère. Alors que c'est désormais gravé dans le marbre des productions venues de chez Mickey, nulle mélodie entêtante et ne vient rompre le récit. Si vous voulez mon avis, ça n'est pas un mal (mais cela est totalement subjectif).
Il s'agit bien là d'un dessin animé atypique, qui aurait pu marquer un véritable virage dans la liste des productions Disney, s'il était allé jusqu'au bout de sa démarche. En effet, dans l'aventure de Taram, chaque pas en territoire adulte est immédiatement suivi par une reculade, à coup d'humour ou de fantaisie. La profondeur espérée est entrevue, mais rarement atteinte, y compris au niveau des personnages. Alors qu'on disposait au départ d'ingrédients dignes de donner une grande épopée médiéval-fantastique (les connaisseurs identifieront sans peine ces composantes mal exploitées), le ton "Disney" prend le dessus maladroitement, finissant par donner naissance à un long-métrage souvent bancal..

Avec le temps, "Taram et le chaudron magique" a acquis quelques admirateurs, qui ont souvent passé
l'âge du public cible. Il est vrai qu'il porte en lui quelques espérances, rarement consolidées à l'écran, d'une imagerie plus sombre et d'un univers moins lisse que celui qui prévaut dans les parcs d'attraction se réclamant de Walt Disney. Bien qu'il ne tienne pas toutes ses promesses, ce dessin animé dispose de son identité propre, aussi incomplète soit-elle...

Ce dessin animé fleure donc bon les années 1980. S'il avait été un peu plus long et mieux développé, il aurait eu droit au statut de chef d'oeuvre. Faute d'un scénario plus abouti, c'est simplement une oeuvre à redécouvrir, ce qui n'est déjà pas si mal.





mercredi 20 août 2014

Red lights (2012)


Robert de Niro a beau être l'un des plus grands acteurs qui soient et afficher une carrière remarquable, ses choix de rôles n'en finissent pas de surprendre, ces dernières années. Comme s'il avait fait le tour des personnages dignes de son talent, il semble accepter certaines propositions avec une légèreté qui frise l'aveuglement. Certains de ses derniers films n'ayant même pas l'insigne honneur de sortir en salle, le prestige de ce monument du septième art en prend un sale coup. Souvenez-vous de "Killing season" (rebaptisé "Face à face" lors de sa sortie en direct-vidéo dans nos contrées), pour ne citer que ce film.
Le retrouver dans un film ayant échoué au rayon direct-to-DVD n'est donc pas si surprenant que cela. Par contre, qu'il y soit entouré de Sigourney Weaver et de Cillian Murphy a de quoi surprendre....

Margaret Matheson, psychologue spécialisée dans l'étude du paranormal, se fait forte de démasquer les mystifications utilisant le paranormal, avec l'aide de son jeune assistant, Tom Buckley. Lorsque le célèbre médium Simon Silver, qui fit autrefois sensation, annonce son retour, les deux chercheurs redoublent de méfiance : Silver est charismatique, mais dangereux. Il se pourrait bien qu'il soit le seul ennemi à leur hauteur.

Le cinéma fantastique espagnol a le vent en poupe. On se souvient, avec un petit frisson, des très réussis "L'orphelinat" ou "Les autres". La touche ibère n'est pas autant présente sur cette coproduction américano-espagnole, en partie parce que le casting (imposant) est composé d'acteurs venus d'outre-Atlantique, sans doute. Pourtant, dans la lumière qui donne au film un ton sale et froid, ou dans l'intrigue qui se penche parfois sur le plus intime de ce que vivent les personnages, "Red lights" tente d'affirmer son identité propre.

Rodrigo Cortés, le réalisateur (et scénariste) de "Red lights", s'est précédemment fait remarquer avec l'étonnant "Buried" pour lequel il avait réussi à faire un long métrage avec un scénario hyper-minimaliste, et à créer le buzz, comme on dit. L'essai n'est pas transformé avec son nouveau long métrage, il faut bien le reconnaître.

Malgré tout le talent dont font preuve certains des interprètes (Cillian Murphy en particulier), ils ont du mal à se dépêtrer d'un scénario pratiquant régulièrement le rétropédalage, sans doute pour faire illusion et perdre son public. Délayant sans vergogne son intrigue, Rodrigo Cortés semble ne pas savoir quoi faire des moyens qui lui sont donnés. Malgré un départ prometteur, qui annonçait un film au ton glaçant et poisseux, on se retrouve vite en proie à l'ennui : un comble pour pareil film. Tout porte à croire que ses têtes d'affiche ont trouvé là des rôles plus alimentaires qu'artistiques...

Inévitablement, le film se clôture par un twist (d'où la référence au "Sixième sens" sur la jaquette du DVD), qui réussit à surprendre le spectateur, mais ne réveille pas son intérêt déjà endormi depuis belle lurette.



vendredi 15 août 2014

La belle et la bête (2014)


On peut parfois se demander pourquoi telle ou telle histoire a la faveur des scénaristes et fait l'objet d'innombrables adaptations au grand écran, de bonne ou de moins bonne facture. A l'instar de Jeanne d'Arc ou de Gozilla, le conte de la Belle et la Bête a connu bien des avatars au cinéma, du grand classique réalisé par Jean Cocteau au dessin animé produit par Disney, en passant par la comédie musicale ou la série télévisée (sous deux moutures, d'ailleurs).
Christophe Gans, ancien critique cinéma, qui fit ses premières armes sur grand écran avec "Crying freeman", avant de décrocher la timbale avec "Le pacte des loups", puis (après une longue absence) de revenir au grand écran avec "Silent hill", a porté sa version de "La belle et la bête" pendant trois ans. Interprétées par Léa Seydoux et Vincent Cassel, ni la Belle, ni la Bête en question n'ont déchaîné la foule lors de la sortie de ce film. 

En 1810, un riche marchand ruiné suite au naufrage de ses trois navires se retrouve forcé de s'exiler à la campagne avec ses six enfants. La plus jeune (et la plus jolie) de ses filles, Belle, est la seule à se contenter de ce sort. Lors d'une tempête de neige, le marchand trouve asile dans un étrange château. Pour y avoir dérobé une rose, il est condamné à mort par le maître des lieux. La jeune Belle choisit de se sacrifier en lieu et place de son père et se constitue alors prisonnière de la Bête qui règne sur le domaine. Elle va découvrir l'histoire qui conduisit un jeune prince arrogant à être maudit et à devenir le monstre du château...

L'histoire est des plus classiques, tant ce conte de fées a été narré de toutes les manières imaginables. On pouvait attendre de Christophe Gans, grand artisan de la forme cinématographique, qu'il fasse subir à cette fable un sérieux lifting. Et il faut le reconnaître : esthétiquement parlant, le film est une réussite...si l'on passe sur le manque de finition des effets spéciaux. C'est en effet là que le bât blesse. Pratiquement toutes les séquences sont l'objet de trucages numériques, dont on constate bien souvent qu'ils auraient mérité un meilleur traitement. Du coup, nombreux sont les moments où l'on se rend compte de la présence des dits effets, alors que leur première vertu devrait être la discrétion. 

Du côté des acteurs, on peut poser le même constat que celui qui prévalait déjà pour "Le pacte des loups" : devant bien souvent réciter des répliques tombant à plat, les interprètes doivent tout miser sur leur présence physique (comme le font les deux acteurs principaux, chacun à leur manière), ou cabotiner à outrance. On notera au passage l'exaspérante Audrey Lamy, à gifler dans le rôle d'une des sœurs de Belle, et qui semble avoir oublié que le monde ne se réduit pas à "Scènes de ménage". 

Pourtant, il y a quantité de bonnes choses dans la retranscription du conte faite par Christophe Gans. L'ambiance générale du film n'est pas sans évoquer le formidable "Labyrinthe de Pan" (sans hélas en avoir la profondeur) et le tout a, malgré les défauts évoqués plus haut, une véritable identité visuelle. Cela n'est pas suffisant, bien entendu, pour assurer l'entière réussite de l'entreprise. Cependant, pour celles et ceux qui cherchent un peu d'enchantement et souhaitent saluer l'ambition du réalisateur, le film peut valoir le détour. Les spectateurs plus exigeants passeront sans doute leur chemin...


dimanche 10 août 2014

Jack et la mécanique du coeur (2014)


Les incursions hexagonales dans le cinéma d'animation sont rares : raison de plus pour se pencher sur leur sort, fût-il funeste en matière d'audience. Adapté du roman "La mécanique du cœur", le conte musical du même nom (auquel collaborèrent quelques grands noms, de Jean Rochefort à Alain Bashung, en passant par Grand Corps Malade et Eric Cantona), "Jack et la mécanique du cœur" adapté pour le grand écran par Mathias Malzieu (leader du groupe Dionysos et auteur du roman) et Stéphane Berla, déjà remarqué pour ses travaux dans le domaine de l'animation. L'histoire veut que Mathias Malzieu ait rencontré Luc Besson sur le plateau du "Grand Journal" de Canal + et que la genèse du film commença ce jour là. Hélas, lors de sa sortie, "Jack et la mécanique du cœur" ne rencontra pas le succès espéré. 

Né le jour le plus froid du monde, Jack a été sauvé par Madeleine, une étrange sage-femme qui lui installa, en lieu et place du cœur, une drôle de mécanique. Trois lois régissent désormais son existence : ne jamais toucher aux aiguilles de son étrange cœur, ne jamais se laisser emporter par la colère et, surtout, ne jamais tomber amoureux. Lorsqu'il croisera la jolie demoiselle Acacia, Jack va, pour son plus grand malheur, découvrir l'amour, même si la belle est déjà sous la coupe du sinistre Joe. Qu'à cela ne tienne, il ira jusqu'à la suivre en Andalousie, dans un périple inattendu.

Il est de bon ton de sortir le goudron et les plumes, en ce qui concerne les productions françaises. Ces colonnes ont souvent été l'occasion, je le reconnais de reprocher au cinéma hexagonal son manque d'originalité et sa frilosité. De même, les productions Europa Corp ont été plus d'une fois la cible d'attaques en règle (mais elles l'avaient bien cherché). L'équation de départ film d'animation français plus production Besson avait donc de quoi faire frémir le spectateur potentiel. Ayant apprécié l'album et dévoré le roman, j'ai cependant vaincu mes réticences pour visionner ce film d'animation.

Globalement fidèle au matériau d'origine, "Jack et la mécanique du cœur" cible un public plus large que celui-ci, sans cependant céder à la tentation tout sucre tout miel du happy-end visible à l'avance. Malgré quelques baisses de régime, le film dispose de beaux moments et réussit à captiver l'audience.

Mais, le point fort de "Jack et la mécanique du cœur" est sans conteste son esthétique qui n'est pas sans
rappeler certaines œuvres de Tim Burton, tout en réussissant à imposer sa propre identité. Réussissant le grand écart entre l'innocence de l'enfance et la mélancolie propre aux adultes, les réalisateurs donnent joliment corps à la fable de Mathias Malzieu. 

Certes, on regrettera la raideur de l'animation et l'absence de toute foisonnement (notamment sur l'arrière-plan) qui aurait donné plus de vie et de corps à ce conte plein de noirceur et de poésie. L'émotion qui était palpable dans le roman (et l'album musical) est moins présente à l'image, les personnages semblant souvent impassibles. Heureusement, le doublage (on saluera notamment la prestation vocale de Jean Rochefort, évidemment remarquable) relève ce qu'on pourrait qualifier d'interprétation.
Alors, oui, on est encore loin de la qualité des productions venues d'outre-Atlantique, même si la tentative est à saluer. Oui, "Jack et la mécanique du cœur" peut sembler manquer d'épaisseur et de consistance, au regard de ses illustres aînés. Mais il a le mérite d'exister, et d'assumer pleinement son identité. En cela, il aurait mérité plus d'égard lors de sa sortie.