dimanche 28 juin 2015

Discount (2013)


Le film social est quasiment devenu une spécialité britannique, dont la bannière est fièrement brandie par des réalisateurs comme Mike Leigh ou Ken Loach. Il existe cependant quelques belles tentatives venues d'autres pays. Une des dernières en date, dans ce registre où de petites gens affrontent leur dure réalité non sans humour, est un film français, "Discount", bien ancré dans l'actualité, mais qui n'attira pas autant de spectateurs que l'on aurait aimé (j'ignore s'il a été rentable et ai envie de dire que ce n'est pas le propos).

Les employés du Discount ont la banane, c'est dans leur contrat, c'est affiché un peu partout sur leur lieu de travail. Ils n'ont pas le choix, eux qui sont chronométrés jusqu'au moment de leur pause-toilettes : avec l'arrivée des caisses automatiques, les licenciements qui s'annoncent n'en laisseront que quelques-uns en poste.
Ecoeurés de devoir détruire des produits dont la date de péremption est atteinte, certains des employés du Discount décident de détourner ces produits et de les vendre (à des prix dérisoires) à ceux qui en ont le plus besoin. Et voilà comment naît un discount solidaire.
Bien entendu, les ennuis ne s'arrêtent pas pour autant. Mais maintenant, ils se sentent et sont solidaires.

Solidarité : voici le mot qui sous-tend toute l'histoire de "Discount". Et, en ces temps de chacun-pour-soi et tout-pour-ma-gueule, alors qu'on préfère les caisses automatiques au regard usé d'une caissière (pardon, hôtesse de caisse), qu'on trouve plus de valeurs dans des réseaux dits sociaux aux vraies relations humaines, ce mot devrait briller de mille feux à chaque coin de rue. Quasiment documentaire, "Discount", dont on sent qu'il a été filmé parfois avec les moyens du bord (il y eut du financement participatif dans sa construction), est de ces films qui vous font ouvrir les yeux sur quelque chose qu'on sait présent, mais qu'on préfère glisser sous le tapis.

Partant d'un coup de gueule au sujet du gaspillage alimentaire (les scènes qui décrivent la javellisation des produits destinés à la benne sont un véritable coup de poing salutaire), Louis-Julien Petit, le réalisateur dépasse ce premier argument et emmène son histoire sur un terrain plus large. Dénonçant les agissements de la grande distribution, mais sans manichéisme, toute l'équipe, solidaire, prend le parti de ceux qui sont broyés dans un système qui ne tient plus compte de leurs existences. Sans faire du Ken Loach à la française, Louis-Julien Petit trouve un ton unique et insuffle à "Discount" une force qu'on désespérait de trouver dans le cinéma hexagonal, d'ordinaire formaté et aseptisé. On ne verra sans doute jamais "Discount" sur une des grandes chaînes télévisées, et c'est sans doute ce qui est le plus regrettable.

Que dire des interprètes de "Discount", si ce n'est qu'ils sont tous formidables ? Qu'il s'agisse d'Olivier Barthélémy, de Corinne Masiero (déjà remarquée dans "De rouille et d'os"), de Pascal Demolon (vu dans "Elle l'adore"), de Sarah Suco, de M'Barek Belkouk  ou de Zabou Breitman (venue en participation, c'est à noter), on a envie de leur offrir la standing ovation qu'ils méritent pour être les représentants de ceux qu'on ne voit jamais, parce qu'on ne veut plus les voir. Leurs personnages, magnifiés par leur interprétation d'une remarquable justesse, sont les véritables héros de la guerre qui se déroule actuellement, tout près de nous. Leur adversaire, c'est la finance, comme disait quelqu'un.

On sort de "Discount" avec au ventre un mélange de colère, de tristesse et aussi de joie et de tendresse. Mais une chose est sûre : ce film indispensable ne laissera personne froid. Pas tout à fait un drame social, mais pas non plus complètement un feel good movie, "Discount" aurait forcément mérité une plus grande visibilité, en cette époque où l'avoir à souvent plus de valeur que l'être.


mardi 23 juin 2015

Le village des ombres (2010)


Les incursions françaises dans le cinéma de genre sont suffisamment rares pour qu'on ne se penche pas sur leur sort. Bien souvent synonymes d'échec, ces films ne marquent que rarement les esprits. "Le village des ombres", unique réalisation à ce jour (au format long métrage) de Fouad Benhammou, a été un cruel échec public lors de sa sortie en salles. Pourtant, ce conte fantastique (comme annoncé sur l'affiche) au ton faisant écho à quelques références du genre (notamment des films venus d'Espagne, comme le merveilleux "Labyrinthe de Pan") méritait-il pareil désaveu ?

Ce week-end entre amis n'était pas une bonne idée. Déjà, peu avant Ruiflec, leur destination, ça partait mal puisque les passagers du premier véhicule ont tous disparu. Ceux du deuxième ont atteint le fameux village, totalement désert, pour se rendre compte que les ombres, là-bas, cachent quelque chose.
Et si ce village leur voulait du mal ?
Peu à peu, ceux qui n'ont pas disparu vont découvrir que les lieux sont au cœur d'une étrange malédiction...


Quand j'évoquais, en introduction, d'illustres aînés (et en particulier le très beau "Labyrinthe de Pan"), la référence à ces futurs classiques saute aux yeux lors du visionnage du "Village des ombres". Convoquant donc ces films à l'inimitable ambiance qui marquent la mémoire de leur public, Fouad Benhammou tente l'aventure du fantastique à la française. La scène d'ouverture, situant l'action en 1944, se veut à la fois oppressante et introductive, mais est hélas à l'image du film tout entier. Inutile de tourner autour du pot, ce n'est pas encore cette fois qu'un film fantastique français viendra concurrencer les grands noms du genre.

Malgré les bonnes intentions du réalisateur, malgré les décors et l'ambiance qui s'installe, "Le village des ombres" ne réussit pas à emporter l'adhésion du spectateur. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, il n'est pas, dans le groupe de héros, de personnage ayant suffisamment d'épaisseur pour être intéressant. Les jeunes gens qu'on découvre dans les premières scènes ne suscitant aucune empathie, on se moque vite de ce qui leur arrive. Il faut dire également, et c'est le deuxième défaut du film, que les interprètes ne sont guère inspirés et n'insufflent presque jamais l'étincelle de vie nécessaire à leurs personnages. Enfin, le scénario est également fautif, manquant lui aussi d'épaisseur. Multipliant les flash-backs (je crois n'en avoir jamais vu autant), il fait rapidement chuter la pression qu'il avait mis un temps fou à faire monter. N'atteignant jamais le niveau de tension nécessaire, "Le village des ombres" n'est finalement jamais angoissant et on se désintéresse vite du sort de ses protagonistes.

Malgré quelques belles images et sa capacité à installer une ambiance, Fouad Benhammou échoue malheureusement dans son entreprise. Faute d'un scénario solide et maîtrisé (et on ne dira jamais assez l'importance des personnages dans une histoire), "Le village des ombres" tourne vite à vide. Pour qu'un film français donne de réels frissons, il faudra donc attendre encore un peu.










jeudi 18 juin 2015

Benoît Brisefer (2013)


La bande dessinée, après des décennies passées au rang d'art mineur, a le vent en poupe. Les adaptations cinématographiques d’œuvres de ce registre, qu'elles soient réussies ou non, ont souvent été bien accueillies par le public. Les annonces de nouvelles adaptations sont fréquentes (on a récemment pu frissonner à l'annonce du passage au grand écran de Valérian, sous la direction de Luc Besson, par exemple). On pourrait d'ailleurs croire que les scénaristes, faute de trouver l'inspiration, se sont résolus à piocher dans leurs bédéthèques, après avoir parfois pillé d'autres patrimoines. Pour certains, ce sont les œuvres les plus anciennes du neuvième Art qui passent à la moulinette. Après "Les Schtroumpfs" et "Boule et Bill", on a vu récemment Benoît Brisefer, qui fit ses débuts dans le magazine Spirou, passer au grand écran. Mal lui en a pris, au vu des audiences...

La petite ville de Vivejoie-la-grande est une bourgade paisible. C'est ici que vit le petit Benît Brisefer, un garçonnet pas comme les autres, puisqu'il est doté d'une force surhumaine, qu'il peut perdre au moindre rhume. Élevé par Madame Adolphine, éprise du chauffeur de taxi Monsieur Dussiflard, le petit Benoît va vite se rendre compte que sa ville est menacée. D'abord parce que la nouvelle compagnie des Taxis Rouges, commandée par l'inquiétant Poilonez.
Et ce n'est pas tout...


Le choix d'adapter les aventures du petit Benoît Brisefer est surprenant. Ce n'est pas forcément l'oeuvre la plus connue de Peyo. Mais après tout, pourquoi pas ? 
Il ne faut que quelques minutes pour se rendre compte que l'échec rencontré par "Benoît Brisefer" est, hélas, bien mérité. Dès le début, rien ne fonctionne. Mal réalisé, ce film s'avère vite une épreuve pour son spectateur, tant les scènes se succèdent sans présenter le moindre interêt. Ça aura pu être et naïf amusant, ça n'est que gnan-gnan. Ça pourrait avoir un délicieux ton un rien nostalgique, ça respire le carton-pâte. Ni fait ni à faire, "Benoît Brisefer" se révèle vite comme un film inintéressant, jamais drôle et dont le personnage est le prétexte à des effets spéciaux honteusement mauvais. 

Les interprètes mis à contribution dans cette purge sont tous épouvantablement mauvais. Pour
certains (dont je tairais les noms), c'était couru d'avance, mais pour d'autres, on était en droit d'attendre d'eux un peu plus qu'un jeu artificiel et pataud. Sans vouloir être méchant, je pense que le premier rôle tenu par le petit Léopold Huet est aussi son dernier. Les autres acteurs sont moins pardonnables : qu'il s'agisse de Jean Reno ou de Gérard Jugnot, pour n'évoquer que ceux les plus présents (mais on pourrait aussi montrer du doigt Thierry Lhermitte, Evelyne Buyle ou Hippolyte Girardot) , ils montrent ici qu'ils peuvent être extrêmement mauvais. 

Manuel Pradal, le réalisateur, n'a guère eu de moments de gloire jusqu'à présent (seul "La blonde aux seins nus" avait, parmi ses films, fait écho à mes oreilles). L'énorme échec, tant public que critique et artistique que fut "Benoît Brisefer" devrait sonner le glas de sa carrière.

Pour être franc, je n'ai pas eu le courage de visionner ce film jusqu'au bout. N'en pouvant plus (et je n'étais pas le seul devant l'écran), j'ai pressé le bouton "Stop" de la zapette, ayant assez perdu de temps comme ça. Si ça se trouve, passé sa pesante mise en place, "Benoît Brisefer" est un petit bijou de fantaisie et d'humour. Vous permettrez que je prenne le risque de passer à côté de pareil chef d'oeuvre incompris.


samedi 13 juin 2015

Conan (2011)


Robert Howard, romancier tourmenté (il se suicida à l'âge de 30 ans, en 1936), est l'un des pères fondateurs de la fantasy. Son personnage le plus connu, Conan, a déjà donné lieu à des adaptations cinématographiques, en plus d'avoir inspiré des comics, des jeux de plateau (la dernière création en date a pulvérisé les records de souscription sur Kickstarter), des dessins animés et plus encore. Pourtant, les aventures de Conan au cinéma n'ont pas toujours rencontré le succès. La dernière en date, réalisée par Marcus Nispel (à qui l'on devait déjà "Pathfinder") a été un bel échec commercial et critique. 

Conan, le Cimmérien, est né sur un champ de bataille, où a péri sa mère. Élevé par son chef de clan de père, il est devenu un garçon solide. Quand les troupes de Khalar Zym, venu chercher le dernier morceau d'un masque qui lui donnera la toute-puissane, envahissent son village et le déciment, Conan, devenu orphelin, n'a plus qu'un but : venger son père.
Khalar, de son côté, n'aspire qu'à réassembler le masque et à procéder à la cérémonie qui fera de lui l'égal d'un dieu. Lorsque Conan atteint l'âge d'homme, il est sur le point d'y parvenir (et on se demande pourquoi il a attendu autant, d'ailleurs).

En visionnant ce film, étant amateur des écrits originaux et considérant le film de John Milius comme une adaptation finalement réussie, j'avais un pressentiment. Ce "Conan", cuvée 2011, ne pouvait être qu'un ratage. J'aurais aimé me tromper.
Le premier problème de ce film est son réalisateur, Marcus Nispel, visiblement persuadé qu'énervement est synonyme de dynamisme. Sur l'écran, ça bouge dans tous les sens et les scènes perdent souvent toute lisibilité et tout sens. Le montage quasiment frénétique (les plans font rarement plus de quelques secondes) rendent nombre de séquences épuisantes en plus d'être brouillées. Et pourtant, malgré cette rapidité qui leur nuit, nombre de scènes réussissent à paraître trop longues. Marcus Nispel, le réalisateur, avait déjà fait montre de son style avec "Pathfinder", il récidive ici au point qu'on aimerait lui offrir un trépied, afin qu'il nous offre une fois de temps en temps un plan fixe.

Du côté de l'interprétation, il va sans dire que Jason Momoa (le Khal Drogo de "Game of Thrones") n'a pas l'épaisseur d'Arnold Schwarzenegger. On pourra se consoler avec la présence de Ron Perlman (visiblement venu pour le chèque et dont le rôle est presque trop important, surtout si on compare avec le Conan de 1982), de Stephen Lang (le méchant de "Avatar" et de "Terra Nova", visiblement abonné aux rôles de bad guy), de  la très jolie Rachel Nichols, de Saïd Taghmaoui (il semblerait qu'on ait perdu définitivement cet acteur, pourtant bouleversant à ses débuts dans "La haine") ou de Rose McGowan. 

Cependant, le plus grand reproche qu'on peut faire à ce "Conan" reste son scénario et le peu d'intelligence avec laquelle le personnage du Cimmérien est exploité. Celui décrit dans les romans comme un homme hanté par son destin, qui ne rechigne pas à se faire voleur quand le besoin s'en fait sentir, devient ici une brute épaisse qui fonce tête baissée et donne de l'épée avant de discuter, quand il en prend la peine. On entrevoit de temps à autre, qu'il s'agisse du décor ou du contexte, les ombres ou les fantômes de l'oeuvre originelle, mais les espoirs qu'ils suscitent sont rapidement torpillés par la réalisation outrancière de Nispel. 

Etait-il bien utile de produire un remake du film de John Milius (avec, a fortiori, un scénariste bien moins talentueux qu'Oliver Stone) ? La réponse est clairement négative. Ce n'est pas encore cette fois qu'un film rendra hommage à l'oeuvre du grand Robert Howard.





lundi 8 juin 2015

Tideland (2005)


Terry Gilliam, qui fit partie des géniaux trublions du Monty Python Flying Circus, est un des habitués de ce blog. Nombre de ses films n'eurent en effet pas le succès public escompté. Tiré d'un roman de Mitch Cullin, "Tideland" est emblématique de l'oeuvre de Terry Gilliam, par son esthétique, les thèmes évoqués et, hélas, l'échec qu'il rencontra à sa sortie dans les salles obscures, récoltant à peine 200 000 dollars. Même au plus creux de la vague, Terry Gilliam connut rarement pareille déconvenue. Cela était-il mérité ?

La petite Jeliza-Rose a une drôle de vie. Quand sa mère meurt d'une overdose, son père, rocker has-been héroïnomane l'emmène dans la maison de son enfance. Dans la demeure en ruine, tandis que son père s'adonne à son addiction, la petite fille, accompagnée des têtes de poupée qui sont ses seuls jouets, s'invente un monde imaginaire et fait de drôles de rencontres.
A bien y réfléchir, elle n'a pas grand-chose à envier à Alice, qui passa elle aussi de l'autre côté du miroir.

Annoncé par son réalisateur comme la rencontre improbable entre "Psychose" et "Alice au pays des merveilles", "Tideland" est une oeuvre à part, comme chacun des films de Terry Gilliam. D'une noirceur parfois effrayante, ce film convoque des thèmes chers à son auteur. L'enfance y est confrontée à la mort, tout comme l'imaginaire télescope souvent le réel, dans une esthétique souvent foutraque, on se reconnait sans mal la patte de l'ancien Monty Python. Souvent filmé caméra à l'épaule, "Tideland" ne prend même pas la peine de prendre du recul et plonge son spectateur dans le bric-à-brac qui tient lieu d'univers à Terry Gilliam.

Au centre de "Tideland", il y a la jeune Jodelle Ferland, qui irradie d'énergie et livre une interprétation remarquable pour son jeune âge. Bien avant de faire les beaux jours de la série "Kingdom Hospital", et après avoir été remarquée dans "Silent Hill", la jeune actrice prouve que des enfants peuvent jouer juste, voire avec talent. Jodelle Ferland a d'autant plus de mérite que l'histoire qu'elle traverse dans "Tideland" est tout sauf un conte de fées. Rien ou presque n'est épargné à la jeune héroïne, et l'on frémit à l'évocation de l'enfance qu'elle incarne aux yeux du réalisateur, jusque dans ses incursions dans le monde imaginaire qu'elle se construit pour fuir sa triste réalité. Avec l'esthétisme délirant du film, elle est le plus bel atout de ce film, il faut le reconnaître. Autour d'elle, dans des rôles plus accessoires, mais néanmoins marquants, on remarquera les prestations de Jeff Bridges, de Brendan Fletcher ou de Jennifer Tilly. Afin de rendre au mieux justice à l'interprétation, je vous conseille au passage de visionner "Tideland" en Version Originale, la VF étant particulièrement bâclée et agaçante.

Affichant fièrement sa touche, Terry Gilliam montre avec "Tideland" qu'il n'a en rien renoncé au ton qui est le sien, malgré les concessions qu'il fit à un cinéma plus commercial (je songe évidemment au très réussi "L'armée des douze singes"). Le conte extrêmement sombre et sale qu'est ce film ne pouvait être réalisé que par lui et lui ressemble bien plus que son récent "Zero Theorem". A la fois poésie visuelle et conte horrifique qui laisse son public mal à l'aise longtemps après le visionnage, "Tideland" reste cependant maîtrisé de bout en bout.





mercredi 3 juin 2015

L'affaire SK1 (2014)



Les tueurs en série, incarnations du Mal absolu, ont de longue date fasciné les cinéastes. De "M le maudit" à "Zodiac", nombre de réalisateurs se sont même emparés de l'histoire véridique de certains de ces monstres, quand d'autres filmaient les méfaits de criminels de fiction. Mais, pour fascinants qu'ils soient, ces personnages n'attirent pas forcément les foules dans les salles obscures. Ce fut le cas de "L'affaire SK1", film français relatant l'enquête et le procès de Guy Georges, le tueur de l'Est parisien.

1991, au 36 quai des Orfèvres : un jeune policier, Franck Magne, entre à la Brigade Criminelle et prend en charge l'assassinat d'une jeune femme, auquel il va vite relier d'autres meurtres restés sans suite. Année après année, se heurtant parfois à l'institution pour laquelle il travaille, Magne va mettre au jour les agissements d'un tueur en série. Tout en traquant le monstre, le jeune homme met en place une des enquêtes les plus complexes que la police française ait connu : c'est l'affaire du tueur de l'Est parisien.
2001 : Guy Georges est jugé et défendu par deux avocats, sous le regard de Magne et des policiers qui l'ont accompagné dans sa traque...

Issu du milieu de la télévision (on lui doit quelques épisodes des "Hommes de l'ombre"), Frédéric Tellier, réalisateur de "L'affaire SK1" livre ici un film qui lui tenait à cœur et auquel il consacra de nombreuses années de travail. Et le résultat est, reconnaissons-le d'emblée, à la hauteur de l'investissement. Convoquant ses illustres aînés (on pensera évidemment à des réalisateurs tels que Corneau, Melville ou Fincher), Tellier, tout en racontant une histoire dont on connait les grands traits et dont la fin n'est un secret pour personne, réussit à captiver le spectateur et à le tenir en haleine du début à la fin. Le mérite en revient à une mise en scène efficace, d'une précision chirurgicale et au ton évoquant souvent le genre documentaire. Utilisant à bon escient les lieux des drames comme décor et allant jusqu'à optimiser le grain de l'image en fonction de l'époque filmée, Frédéric Tellier, remarquablement documenté livre un véritable "Zodiac" à la française.

Face à la caméra, les interprètes de ce voyage dans le pire de ce que peut produire l'âme humaine
livrent une prestation impeccable. Raphaël Personnaz a rarement été aussi bon que dans le rôle de l'Inspecteur Magne, tandis qu'à ses côtés, l'indispensable Olivier Gourmet, à la fois figure paternelle et guide en territoire d'horreur, prouve, s'il en était besoin, l'immense talent qui l'habite.
On pourrait d'ailleurs utiliser les mêmes mots au sujet du grand Michel Vuillermoz. Le reste du casting est à l'avenant, même si j'ai quelques réserves concernant l'interprétation des deux avocats de Guy Georges (incarnés par Nathalie Baye et William Nadylam).

Alors, comment "L'affaire SK1" a-t-il pu passer à côté de son public, pour dire les choses pudiquement ? C'est une bonne question, et j'avoue peiner à y trouver des éléments de réponse. On pourra incriminer l'absence de suspense apparent de l'histoire qui nous est contée, les apparences de documentaire dont se drape parfois le film, mais ce serait lui faire un mauvais procès. Réussissant le délicat exercice d'équilibriste dans lequel bon nombre de réalisateurs auraient échoué, Frédéric Tellier livre ici un remarquable film policier, au réalisme glaçant, qui laisse un souvenir marquant à son public, aussi peu nombreux fût-il.